Les Fiery Furnaces se composent de :
- Matthew Friedberger. Né le 21 octobre 1972, à Oak Park, dans l'Illinois. Signe de la Balance (rat pour les chinois).
- Eleanore. Née le 2 septembre 1976, à Oak Park dans l'Illinois. Signe de la Vierge (dragon pour les chinois).
Widow City est un opéra-rock, style tant chéri par le frère Matthew. L'héroïne de cet opéra est une veuve, égyptienne, qui se plaint de son existence de femme, rengaine tant chérie par la soeur Eleanore.
Widow City serait un cadeau pour Eleanor, amoureuse de Led Zeppelin et surtout de leur veine arabisante (Kashmir). Pour lui faire plaisir, Matthew aurait composé:
- sur un piano
- dans le noir
- tenant d'une main un album de Led Zep.
Quant aux paroles, des publicités féminines des années soixante-dix en seraient l'inspiration principale.
Cette genèse romancée caricature les concept-albums des seventies qui se bataillaient pour devenir le sommet en matière de sophistication.
L'opéra Widow City raconte un meurtre : celui du mari par sa femme. Le disque s'ouvre en grande pompe sur le procès de l'assassine (" Nous savions déjà – il n'y a pas de place pour le suspense – que le jury va me faire pendre "), pour se clore sur la "Cité des Veuves", une prison perdue dans le désert d'où l'héroïne déchue échange des mots doux via des dromadaires-express (" Si vous saviez comme mes chaînes sont lourdes " dit-elle, lasse, en guise de rideau).
Entre ces deux moments-clés, le récit serpente en suivant les réminiscences de cette veuve arabe qui inventorie les éléments qui constituaient sa vie de femme soumise au système phallocratique. Elle évoque son bébé méchant, son mari haineux, mais aussi ses hydravions, son téléphone long de 25 pieds, ses 22 grammes d'essence, son 103ème rendez-vous, sans oublier ses 53 culottes ou son catalogue du Desert House H-G Box 111111 Alburquerque. Cette numérologie parano trahit un intérêt certain pour une forme d'occultisme. La veuve expédie son thème astral au Nouveau Mexique, évoque les phases de la lune ou encore visite les esprits.
La musique, omnisciente, épouse les moindres considérations de cette veuve à tiroirs par de multiples références à l'histoire du rock. Si la référence ultime de ce disque demeure Led Zeppelin (pour faire plaisir à Eleanore), de micro-arrangements, eux-aussi parodiques mais plus subtils car brefs, sont injectés et font grouiller l'ensemble d'un drôle de teint. Vraisemblablement, le frère a ponctionné dans divers matériaux quelques caractéristiques isolées comme l'harmonisation ici, le rythme là ou encore le timbre, pour les combiner et en faire un opéra mutant. Tentant de dénicher ces clins d'oeil subliminaux, l'auditeur se trouve désemparé. Un peu comme la veuve-héroïne qui, dans My Egyptain Grammar, tente de se rappeler ce qu'elle a fait le quart d'heure avant de systématiquement tomber dans les vaps :
"Une samoane aux cheveux blancs m'avait conduit, il me semble, et m'a laissé dans la voiture. Non cela n'est clairement pas arrivé. Je consulte ma grammaire égyptienne, à la page 333 et trouve le hiéroglyphe d'un casque de motard. Je l'ai mis dans une coquille en cuir comme on me l'avait appris et l'ai photocopié et re-posté à vélo à l'institut oriental. Mais cela n'est clairement jamais arrivé. J'ai consulté ma grammaire égyptienne à la page 428 et trouve le hiéroglyphe des canaux français. A mi chemin je rencontrais quelqu'un en train de canaliser un truc inexistant. Mais cela n'est clairement pas arrivé. J'ai consulté ma grammaire égyptienne à la page 566 pour y lire le hiéroglyphe du geai bleu."
Alors que Widow City résonnait dans l'appartement, ma chère épouse a cru reconnaître une rythmique des Cure depuis la salle de bain. Cela est-il seulement arrivé? Je suis l'anti-méthode des Fiery et prend mon Larousse à la page 274 pour y lire le mot "cube". Cela me rappelle que Matthew aime les variations de cubes incomplets de l'artiste minimal Sol Lewitt.
En partant de la forme du cube, Lewitt dresse un inventaire des variations qu'offre une telle matrice sans jamais montrer un cube complet. Il obtient ainsi un vertigineux inventaire de centaine de cubes tous différents. Des fragments de cubes prolifèrent ainsi, sans qu'aucune version ne soit la matrice des autres. La matrice elle-même, c'est-à-dire le cube en son entier, demeure absent, mais virtuellement partout présent. De même Widow City est un album qui peut supporter de multiples angles d'écoute, sans qu'aucun ne puisse jamais en épuiser la polyvocité.
Matthew pourrait être un Lewitt de l'histoire du rock, prenant des morceaux de Dylan, de Gainsbourg, des Beatles, de Yes, pour créer de petits monstres informels et proliférant (les disques), dont les mensurations délirantes sont chantées par Eleanore, plongée qu'elle est dans une sorte de brouillard intempestif qui la fait délirer, telle une Pythie féministe.
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